N °2013/01 du 25 AVRIL 2013

 (Janvier, Février, Mars)

PRÉAMBULE

Les éditeurs de programmes audiovisuels souscrivent à un cahier de charges pour encadrer la conception et la mise en œuvre des contenus proposés. L’une des principales obligations précisées dans ce cadre concerne la mise en place d’une commission de visionnage, chargée de proposer à l’éditeur une classification des programmes, dont la composition est portée à la connaissance de l’autorité de régulation. L’existence de cette instance interne permet d’anticiper les éventuels dérapages et participe des efforts de protection des consommateurs, particulièrement du jeune public.

Cependant, force est de constater la carence des éditeurs de programmes audiovisuels sur ce point. L’absence d’informations complètes sur les grilles de programmes proposés par les éditeurs rend plus difficile la mission de supervision et de contrôle du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel. Le respect des stipulations contractuelles des cahiers des charges garantit une activité des médias conforme aux attentes des populations.

Au demeurant, la liberté d’expression exige de tous les acteurs un sens aigu des responsabilités afin de prévenir des dérapages préjudiciables à la paix sociale et la stabilité de nos institutions. Certains propos de responsables politiques, comme de certains militants de partis politiques, ou d’autres catégories de citoyens, relayés par les médias, heurtent la sensibilité du public. Ils peuvent constituer des menaces à la cohésion sociale et à l’entente cordiale entre les différentes communautés de notre pays.

Dans le même ordre d’idées, le traitement des affaires pendantes devant la justice doit se faire dans le respect de la présomption d’innocence, du secret de l’instruction, en prenant toutes les dispositions pour éviter la violation du principe du contradictoire dans la présentation des faits.

Ces différents constats résultent d’un échantillonnage des activités de monitoring des services du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel, qui couvre la période du
1er janvier au 31 mars 2013.

Le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel, conformément aux dispositions de l’article 14 de la loi n°2006-04 du 04 janvier 2006, et après en avoir délibéré en sa séance du 25/04/2013, rend public le présent avis portant sur les dysfonctionnements relevés dans les programmes des différents organes de communication audiovisuelle. Des recommandations sont formulées dans le sens de corriger ces manquements au profit du public.

I. DYSFONCTIONNEMENTS ET MANQUEMENTS

Au cours de cette période, les dysfonctionnements et manquements constatés ont trait :

1. A l’exposition des téléspectateurs et des auditeurs, particulièrement le jeune public, à certains programmes caractérisés par la violence sous toutes ses formes, l’exposition de cadavres et l’utilisation d’un langage grossier et outrancier, notamment dans les programmes suivants :

• « SEN COMEDIE SHOW » de la télévision SENTV du 03 janvier 2013 à 10 heures avec des acteurs parlant des imams en des termes insultants et irrévérencieux ;
• « WAX SA XALAT » de SUD FM du 07 janvier 2013 à 17 heures avec des injures adressées aux membres du gouvernement par un auditeur intervenant à l’antenne ;
• « KENKELIBA » de la RTS du 16 janvier 2013, montrant sans avertissement, ni signalétique des images insoutenables de personnes tuées au Mali, suite aux bombardements ;
• Journaux télévisés de WALF TV relayant des propos injurieux d’un animateur de la TFM à l’égard de ses collègues ;
• Appartement 145 de la TFM du 28 janvier 2013 où l’animateur s’exprime avec des termes particulièrement grossiers ;
• Journal Télévisé de la TFM du 04 février 2013 avec des images de cadavres d’enfants, brulés dans l’incendie survenu à la Médina ;
• « TEUSS » de Zik FM du 12 février 2013 avec les confessions d’un homosexuel dans un langage particulièrement obscène ;
• Journal Télévisé de SENTV des 28 février et 15 mars 2013, images insoutenables de cadavres ;
• Les images dégradantes des reportages sur les suicides et les tentatives de suicide.
• Les images indécentes, impudiques et rétrogrades de billets de banques jetés, à même le sol, sur la scène lors de soirées festives ou dans certaines publicités et vidéos clips.

2. l’émission « KEUR GUI » de la 2STV du lundi 04 mars 2013 consacrée à une affaire de viol pendante devant la justice avec une présentation des faits ne comportant que le point de vue d’une seule partie au procès.

3. Au développement, malgré les recommandations du dernier avis trimestriel, sur l’antenne des services de télévision, d’incitations à utiliser des services SMS ou téléphoniques surtaxés, notamment en vue de participer à un jeu-concours.

4. La propagation, à la suite d’un meeting politique, à travers la station de radio AIDA FM de Linguère, de propos à très forte connotation ethniciste susceptible d’installer un climat propice à l’éclatement de violences intercommunautaires.

5. la diffusion, en « prime time » du premier épisode d’« un Café Avec » sur la TFM mettant en scène des séances de tortures simulées avec des instruments tranchants, des bagarres sanglantes, des règlements de comptes entre trafiquants de drogue et des courses poursuites avec enlèvements (rapt) de victimes ensanglantées et ligotées et une jeune fille demandant à se faire offrir un whisky par des hommes d’âge mûr dans un hôtel de luxe. De telles images d’une extrême violence diffusées aux heures où les familles sont en général devant la télévision, posent problème, notamment pour le jeune public particulièrement sensible et vulnérable.

II. RECOMMANDATIONS

Face à de tels dysfonctionnements et manquements, qui constituent une violation des dispositions des textes législatifs, réglementaires et des cahiers des charges en vigueur au Sénégal dans le domaine de l’audiovisuel, le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel recommande :

1. De veiller, lors de la diffusion de certains contenus susceptibles de nuire gravement à l’épanouissement des enfants, à ce que ceux-ci ne puissent normalement y avoir accès (protection par la signalétique conformément aux stipulations des cahiers des charges) et, en évitant la programmation de ces émissions à des heures de grande écoute. Le CNRA rappelle que la question de la protection du jeune public dans les médias audiovisuels nécessite que

chacun prenne conscience des enjeux éducatifs, sociaux et économiques relatifs à l’exposition des mineurs à ces médias, en tant que consommateurs de contenus, cibles publicitaires, et parfois même acteurs de productions et de spots les mettant en scène ;

2. Aux éditeurs de programmes audiovisuels le respect des dispositions de l’article 10 de la loi n°2006-04 du 4 janvier 2006 qui prescrivent à toutes les stations de radiodiffusion de s’équiper obligatoirement d’un système de retardement de la voix d’au moins trois secondes pour leurs émissions interactives ;

3. La plus grande vigilance dans le traitement des affaires pendantes devant la justice, en veillant au respect de la présomption d’innocence, à la préservation de l’anonymat et au caractère contradictoire de la présentation des faits, en garantissant l’égal accès aux émissions de toutes les parties au procès, conformément aux dispositions de l’article 18 du cahier des charges applicable au titulaire d’une autorisation de diffusion de programme de télévision.

4. Le renforcement des règles de protection du public contre les risques qui pourraient résulter du développement de ces programmes incitant à participer à des jeux concours en utilisant des services SMS ou téléphoniques surtaxés, grâce à une parfaite information des téléspectateurs sur le coût des communications et sur l’identité des promoteurs du jeu. Ce coût doit être porté à la connaissance des téléspectateurs dans les mêmes conditions que les coordonnées du service SMS ou téléphonique. En cas d’inscription à l’écran, il doit donc être exposé dans des caractères identiques à ceux du numéro du service.

5. D’éradiquer la diffusion à la radio ou à la télévision de propos discriminatoires et dévalorisants pouvant inciter à la xénophobie, à l’exclusion, et porter atteinte à la paix sociale, à l’unité nationale ou à l’intégrité du territoire.

6. De soustraire les images montrant les billets de banques jetés à même le sol, sur les scènes, au cours de spectacles afin de préserver les populations de sentiments vexatoires dans un contexte de pauvreté, de rareté des ressources, et parfois même d’indigence de franges importantes de la population.

Toute en se réjouissant de l’esprit de coopération et de la disponibilité, aussi bien des acteurs, des partenaires, que des personnes concernées par la conception, la production et la diffusion de programmes audiovisuels, le CNRA les en félicite et encourage cette bonne dynamique.

Le CNRA appelle les éditeurs de programmes audiovisuels au respect rigoureux des dispositions législatives, réglementaires et des stipulations des cahiers de charges afin d’éviter les dérapages et autres situations regrettables, préjudiciables au développement harmonieux du paysage audiovisuel et à la protection des populations.

Pour l’Assemblée du CNRA

Le Président

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