N°2013/02 du 22 Juillet 2013

Avis : N°2013/02 du 22 Juillet 2013 (Avril, Mai, Juin)

Préambule

Le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel, dans le cadre de sa mission, « veille sur le respect des règles d’éthiques et de déontologie dans le traitement de l’information et dans la programmation des différents médias audiovisuels, notamment en assurant le respect des Institutions de la République, de la vie privée, de l’honneur et de l’intégrité de la personne humaine ».

Les débats politiques relayés ces derniers temps par les médias audiovisuels se déroulent dans un climat pollué par des propos pour le moins discourtois, voire obscènes, injurieux et irrévérencieux. De tels propos émanant aussi bien de personnalités publiques, que de citoyens, dans le cadre de débats ou de controverses politiques, sont de nature à porter atteinte à l’honneur, à la respectabilité et à la dignité de personnalités et acteurs de la vie politique, économique et sociale du pays.

De plus, il est noté constamment, la diffusion d’images ayant un caractère particulièrement violent, de nature à heurter la sensibilité du public, en particulier celle des jeunes.

En outre, la publicité déguisée devient une pratique récurrente dans certaines émissions de télévision, en violation manifeste de la règlementation en vigueur.

Les faits constatés et répertoriés dans le présent avis qui couvre la période du 1er avril au 30 juin 2013, proviennent d’un échantillonnage des activités de monitoring des services du Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel.

C’est conformément aux dispositions de l’article 14 de la loi n°2006-04 du 04 janvier
2006, et après en avoir délibéré en sa séance du 18 juillet 2013, que le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel rend public le présent avis portant sur les dysfonctionnements et manquements relevés dans les programmes des différents organes de communication audiovisuelle. Des recommandations sont formulées dans le sens de corriger ces dysfonctionnements et manquements.

I. DYSFONCTIONNEMENTS ET MANQUEMENTS
Au cours de la période, les dysfonctionnements et manquements constatés ont trait :

1. A la diffusion, sans que les téléspectateurs aient été mis en garde, d’images choquantes et difficilement soutenables pour le public jeune :

– la dépouille mortelle d’un enfant retrouvée aux Parcelles Assainies, dans les éditions du Journal en français et wolof du 8 avril 2013, de la TFM ;

– le corps à même le sol d’un présumé voleur, battu à mort à Kaolack par des conducteurs de motos Jakarta et l’image de l’un des présumés auteurs des violences, menottes aux poignets, conduit par la Police, au cours des journaux télévisés du 13 avril 2013 sur Walf TV ;

– le corps sans vie d’une jeune femme violée et tuée dans le quartier de Pikine à
Saint-Louis, sur la 2STV, le 7 juin 2013 ;

– la pièce de théâtre macabre diffusée par la RDV le 20 mai 2013, où l’on a dénombré cinq types de mort : par pendaison, immolation, arme à feu (suicide) et par arme blanche et arme à feu (meurtre).

2. Au placement de produits ou publicité commerciale déguisée.

3. A la retransmission de séances de « Face à Face » de lutteurs, occasion de diffusion et d’amplification de propos et comportements violents. Ce qui donne souvent prétexte à des débordements qui entraînent des actes de violences, de vols et de viols au préjudice de paisibles citoyens.

4. A la persistance de la diffusion de propos pouvant être interprétés comme des appels à la violence et à l’insurrection, ou portant atteinte aux Institutions et à la dignité de la personne humaine.

5. A la propagande politique déguisée et la diffusion de propos pouvant mettre en danger l’équilibre national.

Le rôle des médias s’avère crucial dans la préservation de la démocratie et de l’unité nationale, autant qu’ils peuvent en être des vecteurs de fragilisation, par l’amplification de prises de parole et d’exacerbation de comportements gros de conflits pouvant produire des résultats désastreux pour l’équilibre et la paix sociale.

A cet égard, le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel rappelle que la reprise par certaines franges de la classe politique, de propos désobligeants, injurieux et/ou diffamatoires, mettent le diffuseur en situation de violation des dispositions (lois et cahiers de charges) qui régissent les activités des médias ; le principe de la fixation préalable (enregistrement avant diffusion) engage la responsabilité personnelle et directe de l’éditeur audiovisuel. Le CNRA rappelle également que le principe de l’égal accès des formations politiques aux moyens de diffusion audiovisuels et du traitement équilibré de l’information relative aux activités desdites formations, doit inciter les médias audiovisuels à la prudence et à la circonspection dans la relation d’événements politiques suscités ou fortement encouragés, de publireportages sur des hommes ou des formations politiques.

A titre d’exemple, la Télévision Futurs Médias (TFM) s’est illustrée en servant de tribune à son promoteur pour appeler les militants de « FEKKEE MA CI BOOLE » à aller s’inscrire avant la date butoir du 25 juillet 2012 et à se tenir prêts pour les prochaines élections locales. Cet appel du leader du mouvement politique a été repris par l’animateur de « Kouthia Show », qui a consacré une bonne partie de l’émission, diffusée le 18 juillet 2013, à faire de la propagande en appelant à une inscription massive et à voter pour la liste du mouvement dirigé par le promoteur Youssou Ndour, qu’il dit soutenir et en faveur de qui il appelle à voter pour les prochaines élections.

Cette pratique, véritable propagande politique partisane, interpelle les responsables de l’organe audiovisuel en cause, de qui il est attendu les mesures idoines afin de faire cesser immédiatement et d’éviter, à l’avenir, des situations de cette nature. L’équilibre dans le traitement de toutes les formations à caractère politique reste un objectif pour la réalisation duquel le CNRA appelle l’implication de tous les acteurs.

II. RECOMMANDATIONS

Face à de tels dysfonctionnements et manquements qui constituent une violation des dispositions des textes législatifs, réglementaires et des cahiers des charges en vigueur au Sénégal dans le domaine de l’audiovisuel, le Conseil National de Régulation de l’Audiovisuel recommande :

1. de veiller au respect des dispositions de la loi n°2006-04 du 04 janvier
2006 relatives à la protection des mineurs, dans les contenus des
programmes audiovisuels, au respect de la dignité humaine, ainsi qu’à celui du cahier des charges applicable au titulaire d’une autorisation de diffusion de programme de télévision privée commerciale relatif à la signalétique jeunesse et à la classification des programmes, en accordant une attention particulière au choix des images diffusées à l’antenne ;

2. d’observer les règles d’extraction du contenu publicitaire des autres programmes audiovisuels, lors de la diffusion de la publicité. Cette obligation résulte des dispositions de l’article 11 de la loi n°83-20 du 28 janvier 1983 selon lesquelles « la publicité doit pouvoir être clairement distinguée comme telle, quels que soient sa forme et le support utilisé. Lorsqu’elle est diffusée dans des médias qui comportent des messages rédactionnels, la publicité doit être présentée de telle sorte que le consommateur puisse la distinguer facilement de ces messages » ;

3. de faire preuve de discernement, de circonspection dans la diffusion des manifestations de « Face à Face » des lutteurs au cours desquelles des propos de défis suggestifs car pouvant inciter à la violence influencent négativement les supporters des protagonistes, favorisant ainsi des exactions sur de paisibles citoyens. Les éditeurs audiovisuels doivent éviter de servir de vecteurs de comportements aux antipodes des valeurs sportives que ces manifestations sont censées promouvoir ;

4. de s’abstenir de relayer des propos susceptibles de porter atteinte à la cohésion sociale, à la stabilité du pays et à la crédibilité des Institutions de la République.

Le mois du Ramadan est l’occasion d’un bouleversement dans la programmation audiovisuelle. La prépondérance des émissions à caractère religieux conduit facilement au non-respect de la règle du pluralisme. Celle-ci repose sur l’expression de la diversité culturelle, cultuelle, sociale dont les contrats et cahiers de charges acceptés et signés par les opérateurs audiovisuels imposent le respect scrupuleux.

A cela s’ajoute la multiplication de « sketches publicitaires » et l’exploitation des moments d’abstinence et de ferveur, à des fins purement commerciales et de divertissements. Le mois du Ramadan laisse ainsi place à une véritable entreprise de publicité invasive. Chaque scène de ces émissions de divertissement est l’occasion de promotion d’un ou de plusieurs produits. Les règles pertinentes applicables à la promotion et à la publicité des produits à travers les médias audiovisuels, sont contournées et allègrement violées.

Le CNRA invite l’ensemble des éditeurs de médias à mieux refléter le pluralisme et la diversité dans les programmes, à observer la courtoisie, à respecter les droits et la dignité de la personne humaine et à s’abstenir de banaliser ou contribuer à la banalisation des Institutions de la République du Sénégal.

Pour l’Assemblée du CNRA

Le Président

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