L’enfant au risque des médias

Quel est l’impact des médias sur nos enfants ? Quel est l’impact des heures passées devant la télévision et les contenus questionnables ? Que signifie l’arrivée des multimédias dans les foyers et quels sont les effets de leur utilisation croissante par les jeunes ? Comment en tirer le meilleur bénéfice ?

Extraits de l’article de Serge Tisseron, psychiatre et psychanalyste, docteur en psychologie, Directeur de Recherches à Paris-X Nanterre, France.

Dès l’âge de 2 ans, un enfant est capable de se détourner de ce qui le dérange, notamment en quittant la pièce ou en changeant de chaîne quand il est plus grand. Cela dit, les scènes représentant des événements de la vie réelle sont celles qui présentent le plus de risques de le perturber. Cette catégorie comprend notamment les sujets d’actualité comme la guerre, les famines dans les pays étrangers, et les scènes dans lesquelles des animaux sont blessés ou tués.
Mais, autant que ce qui est montré, c’est son contexte émotionnel qui importe pour l’enfant petit. Pour lui, voir un soldat tirer au fusil mitrailleur est moins perturbant que de voir des gens hurler, pleurer, sortir de leurs maisons en courant. Et il est encore plus perturbé lorsqu’il ne sait pas quelle valeur attribuer à cette intensité émotionnelle, comme c’est le cas lorsqu’il voit des images pornographiques.
Certaines images – notamment les images violentes – peuvent provoquer chez l’enfant un stress émotionnel intense, sous la forme d’émotions massivement désagréables comme l’angoisse, la peur, la colère ou le dégoût. Et, pour se protéger contre ces impressions désagréables, il tente de les transformer. Il utilise pour cela trois moyens complémentaires : les mots, les scénarios intérieurs et la symbolisation sur un mode émotionnel, sensoriel et moteur.
Tout d’abord, les images violentes stimulent la mise en sens avec des mots. Les enfants qui ont vu des images violentes cherchent un interlocuteur,  alors que ceux qui ont vu des images ne contenant pas de scènes de violence s’en détournent.
Un deuxième moyen qu’ils ont pour élaborer le choc émotionnel de ces images consiste à se raconter de petits scénarios dans lesquels les héros du film agiraient différemment, ou des scènes dans lesquelles ils s’imaginent eux-mêmes dans une situation identique. Ces petits scénarios intérieurs sont parfois racontés, mais certains enfants ont besoin de passer par la construction d’images matérielles pour les expliciter et les communiquer, comme des dessins, des story-boards, des photographies ou la réalisation d’un petit film.

Enfin, un troisième moyen qu’ont les enfants pour élaborer la forte charge émotionnelle des images violentes consiste dans les manifestations non verbales. Certains d’entre eux présentent en effet des attitudes, des mimiques et des gestes qui évoquent ceux qu’ils ont vus représentés, mais il s’agit d’une imitation « pour de faux ». En fait, là encore, c’est une manière de prendre de la distance par rapport à ce qu’ils ont éprouvé et de le socialiser en se rassurant sur le fait que les autres ont éprouvé la même chose.
C’est pourquoi les parents qui voient leurs enfants jouer à imiter des scènes pénibles qu’ils ont vues au cinéma ne doivent pas les en empêcher, bien au contraire ! C’est une façon pour eux de prendre de la distance et d’éviter que le choc émotionnel qu’ils ont ressenti se transforme en traumatisme durable.

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