AVIS TRIMESTRIEL (Janvier-février-mars 2017)

A l’aune de la libéralisation de l’audiovisuel, tout inventaire objectif des initiatives démontrerait un désordre généralisé, pourvoyeur de situations inextricables. L’absence de planification préalable pour optimiser la mise en valeur de notre spectre, aussi, l’inexistence d’une politique structurante pour guider les conditions d’attribution et d’exploitation des fréquences, ont provoqué de fortes incertitudes qui perturbent l’environnement juridique, économique et social des médias.
Sans projet éditorial véritable, ni projet d’entreprise viable, de nombreux opérateurs privés, aujourd’hui détenteurs de fréquences, sont devenus des acteurs importants de l’écosystème médiatique à l’échelle locale, régionale ou communautaire. La majorité d’entre eux, échappant à toute régulation, semble ignorer les principes et valeurs auxquels ils ont librement souscrits à travers les cahiers de charges et conventions qui régissent l’audiovisuel.
Les médias servent de plus en plus de caisse de résonance aux drames quotidiens des populations en situation de détresse. Ils font la promotion d’une forme «d’esthétique de l’insoutenable» particulièrement dans le traitement des faits divers. Certains contenus audiovisuels exposent des consciences innocentes et portent souvent atteinte à la cohésion nationale, à l’intégrité du territoire et au  respect des institutions républicaine.

Le Collège du CNRA, réuni en sa séance du 11 mai 2017 et après en avoir délibéré, rend public le présent avis sur les faits constatés et répertoriés au cours du premier trimestre de l’année 2017.

 

  1. ECHANTILONNAGE

Durant la période du 1er janvier au 31 mars 2017, le service de monitoring a procédé à un échantillonnage portant sur 3587 contenus audiovisuels diffusés par 5 Radios et 10 Télévisions, selon les critères suivants : langue utilisée, format des programmes, thématique abordée, signalétique.

1. Les Radios

Le  monitoring a suivi 1606 émissions diffusées sur les stations de radio en mode FM. L’échantillon est ainsi composé : RADIO SENEGAL, REWMI FM, RFM, SUD FM, ZIK FM.

 Nombre d’émissions de radio suivies

 

 
Ce graphique informe sur le nombre d’émissions radiophoniques suivies en fonction des éditeurs  appartenant à notre échantillon.

Répartition des langues dans les émissions de radio

 

Sur l’ensemble des radios de notre échantillon, le wolof  est la langue la plus usitée. Il est le support de  56,35 % des programmes, devant le français qui fait  42,34 %. Certaines émissions, cependant, se servent des deux langues, wolof et français.
Répartition des émissions de radio suivies, selon le thème

Les émissions d’information sont les plus représentées avec 81,32 % des thématiques considérées. Le terme « politique», dans notre classification, indique qu’il s’agit d’émissions strictement et entièrement dédiées à  cette thématique, même si, dans les autres thématiques, il arrive que soient abordées des questions politiques .
Répartition des émissions de radio suivies, selon le format

Le  « Journal » représente 74,72 % de l’ensemble des formats des émissions constituant notre échantillon. Ce format  est une source d’indications statistiques sur la popularité, la diversité et le pluralisme qui sont des fondamentaux essentiels pour la régulation.

 

 

2. Les Télévisions

Les services du monitoring ont suivi 1981 émissions de télévision sur les chaînes suivantes : 2STV, DTV, LAMP FALL TV, LCS, MOURCHID TV, RDV, RTS, SEN TV, TFM, WALF TV.

Nombre d’émissions de télévision suivies

A l’instar de la Radio, nous avons là une indication sur le nombre d’émissions télévisées qui ont été suivies durant le 1e trimestre 2017.

 

Répartition des langues dans les émissions de télévision

A l’inverse de ce qui a été observé pour les radios, le « français » est la langue la plus usitée dans les émissions de télévision, avec un pourcentage de 48,76 %, devant le « wolof » qui est le support de 45,18 % des émissions. Concernant certains programmes, nous remarquons un mix des deux langues (wolof et français), avec un taux sensiblement plus important   à la télévision (6,06 %) qu’à la radio (1,31 %).
Répartition des thèmes dans les émissions de télévision

Les émissions d’information représentent 79,3 % des thématiques représentées dans le volume des émissions de télévision suivies.
Répartition des émissions de télévision suivies, selon le format

Sur les chaînes de télévision, tout comme à la radio, le « Journal » occupe une place importante, avec 69,26 % de l’ensemble des émissions.

 

II. DYSFONCTIONNEMENTS ET MANQUEMENTS
Au cours du premier trimestre de l’année 2017, les dysfonctionnements et manquements constatés ont trait aux points ci-dessous énumérés, concernant en particulier : la place de l’éthique et de la déontologie, de la protection du jeune public, du pluralisme et de la diversité et, enfin, de la publicité.

 

1- Éthique et Déontologie (44 %)

Concernant l’éthique et la déontologie, plusieurs manquements ont été relevés, au cours de ce 1er trimestre de l’année 2017.

  • Non-respect de la vie privée, de l’honneur et de l’intégrité de la personne humaine.

L’invité principal d’une émission politique diffusée à la télévision dit ouvertement qu’il n’accorde aucun crédit à une personnalité qui représente une haute juridiction de notre pays.

  • L’évocation de thèmes graves, difficiles et sensibles comme le viol et  l’infanticide, sans précautions ni compassion. Certains animateurs n’ont cure de l’impact que peut avoir l’évocation de scènes ou de situations insoutenables et, sans hésiter, se livrent à des commentaires et/ou plaisanteries déplacés, destinés au public.

 

Dans une émission radiophonique de faits divers, on livre aux auditeurs l’histoire d’une jeune femme accusée de relation extra-conjugale et de grossesse, sans preuve de sa culpabilité ni précisions sur le déroulement des faits, sans tenir compte des conséquences psychologiques que pourraient avoir, sur elle ou sur ses proches, ces déclarations concernant sa vie privée.

  • Incitation à des pratiques ou comportements délinquants ou inciviques.

 

Lors d’une émission « matinale », certains participants appellent à la justice populaire contre les personnes accusées d’agressions physiques envers les populations.

  • Non-respect de la présomption d’innocence.

 

Une personnalité invitée sur un plateau de télévision qui traite un homme public de « voleur » sans aucune retenue alors que l’affaire concernant celui-ci est encore pendante devant la justice.

 

2. Enfance & Adolescence (32 %)

 

  • Programmation à des heures indues de contenus à  caractère violent et/ou inapproprié sans signalétique. L’évocation de la drogue, du suicide, de l’inceste, de la violence conjugale, de la violence envers les enfants, les infanticides, les meurtres, les actes sexuels.

Certains programmes audiovisuels pouvant troubler les enfants de -12 ans, ne doivent pas être diffusés avant 22h, notamment lorsque le scénario recourt à la violence physique ou psychologique, à la représentation d’actes sexuels.

 

3. Pluralisme et diversité (4%)

 

  • Non-respect de l’équilibre dans le traitement de l’information.

Lorsque l’on met en doute la moralité ou l’honnêteté d’un tiers, celui-ci doit avoir la possibilité de défendre, par les mêmes canaux  , son intégrité ou sa réputation.

  • Non-respect du pluralisme de l’expression des courants de pensée et d’opinion, de l’accès pluraliste des formations politiques, des syndicats et des organisations de la société civile à l’antenne.

 

À l’occasion de la retransmission en direct d’une journée de lutte, un animateur-commentateur s’est servi du plateau comme tribune, pour relayer des propos personnels, faire valoir ses sentiments sur des sujets à caractère politico-judiciaire concernant des hommes politiques.

 

4. Publicité (20 %)

  • Non-conformité aux exigences de vérité, de décence, de respect de la personne humaine et de sauvegarde de la santé des populations.

 

La persistance de la publicité mensongère qui, au profit de soi-disant  guérisseurs, de professionnels de la voyance, viole la loi n° 83-20 du 28 janvier 1983 relative à la publicité.
La persistance de la publicité incitant à l’usage de produits destinés à la dépigmentation (éclaircissants et « blanchissants »).

II. RECOMMANDATIONS
Face à de tels  manquements, qui constituent une violation des dispositions des textes législatifs, réglementaires et des cahiers des charges en vigueur au Sénégal dans le domaine de l’audiovisuel, le Conseil national de Régulation de l’Audiovisuel fait les recommandations énumérés ci-dessous.

 

  • Observer  strictement les règles d’éthique et de  déontologie dans le traitement de l’information. Concernant les revues de presse, le CNRA insiste sur le respect strict des institutions de la République.
  • Veiller à respecter une présentation honnête, impartiale et objective des questions et sujets traités et assurer l’expression des différents points de vue.

 

  • Arrêter la diffusion de scènes de violence aux heures de grande écoute. La mise en place de comités internes de visionnage au niveau des télévisions  est une obligation pour éviter les scènes de violence et les images obscènes dans les films et clips diffusés.
  • Veiller à l’équilibre dans le traitement de l’information, dans le strict respect du pluralisme et de la diversité.

 

  • Veiller au respect des dispositions des lois, règlements et cahiers des charges interdisant la publicité servant les intérêts de soi-disant  guérisseurs et, plus globalement, à la conformité des messages publicitaires aux exigences de vérité, de décence, de protection des consommateurs et des couches vulnérables, de même qu’au souci de la santé des populations en ce qui concerne la publicité des produits destinés à la dépigmentation.
  • S’assurer de l’intégrité technique et  de la sécurité fonctionnelle de l’ensemble des installations de diffusion audiovisuelle exploitées chez chaque éditeur audiovisuel, concernant notamment :

 

    • l’acheminement des signaux de l’ensemble des éditeurs de télévision vers le centre multiplexage ;
    • les conditions du transport des faisceaux hertziens vers les émetteurs analogiques encore en cours d’exploitation.

Le Collège des Conseillers du CNRA

 

 

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